Interview de Nathaly Quintero : L'inclusion en mouvement - la Journée Multisports - Un modèle inspirant

Pouvez-vous nous parler de l'impact que les Jeux de Paris 2024 ont eu sur la perception du handisport et comment cela influence-t-il les initiatives comme la 4e Journée Multisports du CEREFAM ?

Paris 2024 a propulsé le handisport au premier plan, brisant les stéréotypes et suscitant une admiration généralisée. Pour notre 4e Journée Multisports CEREFAM, cet élan est crucial. Il facilite notre message : "faire briser les barrières de la différence". Les Jeux de Paris 2024 ont planté une graine, à nous de l'arroser avec des événements concrets comme celui-ci, pour que le regard sur le handicap continue d'évoluer positivement et que les freins, qu'ils soient parentaux ou éducatifs, s'estompent face à la joie et au partage.

Comment voyez-vous le rôle du Centre de Référence pour les Anomalies des Membres (CEREFAM) évoluer dans le cadre de la promotion de l'inclusion par le sport ?

Au CEREFAM, notre rôle fondamental est un accompagnement multidisciplinaire de nos patients, de la naissance à l'âge adulte. Cet engagement à long terme nous permet d'être présents à des étapes cruciales de leur développement, avec une prise en charge qui ne se limite pas aux aspects fonctionnels comme les prothèses ou les aides techniques. Nous avons une vision globale, intégrant pleinement la dimension psychologique, car ces aspects sont indissociables.

C'est dans cette perspective holistique que le sport prend tout son sens pour nous. Bien plus qu'une activité physique, il est un outil puissant pour la santé, l'intégration sociale, la création de liens, le sentiment d'appartenance et le dépassement de soi. La Journée Multisports incarne parfaitement cette conviction. En réunissant nos patients et les enfants du centre de loisirs de Saint-Maurice, nous créons un espace où les différences s'effacent au profit du partage et de l'émulation positive. Notre objectif est de montrer que l'inclusion par le sport est une réalité tangible et porteuse de joie.

Pour cette édition, notre programme des "Petits Ambassadeurs" marque une évolution significative. En donnant aux enfants du centre de loisirs des outils pour partager leur expérience avec leurs camarades qui n'ont pas participé à la journée, nous multiplions les graines de l'inclusion au-delà de cette journée. Le CEREFAM se positionne ainsi comme un acteur proactif, utilisant le sport comme un catalyseur pour changer les regards et construire une société plus inclusive, pas seulement pour nos patients, mais pour tous.

Pourriez-vous nous décrire un moment où le sport a démontré un fort potentiel d'inclusion et de dépassement de soi pour les participants aux événements que vous organisez ?

Il y a tant d'histoires marquantes ! Je pense notamment à des parents qui, initialement, étaient très protecteurs et hésitaient à laisser leurs enfants pratiquer une activité sportive, par crainte de l'échec ou de blessures. Les voir ensuite s'épanouir pleinement lors de notre Journée Multisports, découvrir des capacités insoupçonnées et prendre confiance en eux, c'est une immense satisfaction.

Nous avons même eu des participants qui, suite à cette expérience, ont intégré des clubs handisport de haut niveau. L'idée de peut-être les voir un jour représenter la France aux Jeux est une perspective incroyablement motivante !

Mais au-delà de ces parcours exceptionnels, il y a aussi les amitiés qui se créent entre les enfants du CEREFAM et ceux du centre de loisirs, les enfants timides qui osent se lancer dans de nouvelles activités avec la fédération handisport, et les témoignages de parents qui nous disent que leur enfant a véritablement changé après cette journée.

Ces résultats concrets sont notre plus belle récompense. Ils illustrent parfaitement le pouvoir du sport pour briser les appréhensions, révéler des talents et, surtout, créer des liens authentiques au-delà de la différence.

Quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels sont confrontées les personnes en situation de handicap pour accéder au sport, et comment la journée multisports aide-t-elle à surmonter ces obstacles ?

Les défis sont multiples et interconnectés. Il y a d'abord les barrières psychologiques, qu'il s'agisse du manque de confiance en soi de la personne en situation de handicap ou des appréhensions et des stéréotypes qui peuvent exister dans leur entourage – parents, éducateurs, voire d'autres sportifs. Un frein particulièrement puissant, et qu'il est crucial de faire évoluer, est le regard de l'autre. Pour un enfant avec une différence physique, se sentir observé, jugé, ou exclu peut être un obstacle majeur à l'engagement sportif. Le manque d'information sur les activités sportives adaptées et les clubs handisport existants est également un frein important. Enfin, il ne faut pas négliger le coût parfois élevé du matériel spécifique ou de l'encadrement spécialisé.

Notre Journée Multisports s'attaque à ces obstacles de plusieurs manières. Premièrement, elle offre un environnement inclusif et sécurisé où la différence est valorisée et non perçue comme une limite. C'est une porte d'entrée douce pour découvrir différentes disciplines adaptées, encadrées par des professionnels sensibilisés.

Deuxièmement, elle permet de briser les barrières psychologiques, y compris celle du regard extérieur, en offrant une expérience positive et valorisante. Le succès dans une activité sportive, même modeste, renforce l'estime de soi et donne confiance pour affronter le regard des autres. Voir d'autres enfants, avec ou sans handicap, s'amuser et se dépasser ensemble est un puissant message de normalisation et d'acceptation.

Troisièmement, nous mettons en relation les participants avec des fédérations, des clubs et des professionnels qui peuvent les accompagner sur le long terme.

Enfin, en étant un événement gratuit et en mettant à disposition du matériel adapté, nous levons une partie des barrières financières à la découverte et à la pratique sportive. Notre objectif est de semer des graines, de montrer que le sport est possible pour tous et d'ouvrir des portes vers une pratique régulière, en contribuant à changer positivement le regard porté sur la différence.

En tant que responsable du CEREFAM, quelles innovations ou collaborations envisagez-vous pour amplifier l'accessibilité et la participation aux événements sportifs futurs ?


Notre parcours avec cette Journée Multisports est déjà une belle illustration de notre engagement : nous avons commencé modestement avec 30 enfants en 2022 et sommes ravis d'en accueillir 80 enfants en 2025 ! Pour l'avenir, notre ambition est d'amplifier encore cette expérience à une échelle plus large.

Étant partie intégrante de la filière ANDDI-RARES, qui réunit plus de 20 centres spécialisés en maladies rares à travers la France, nous avons le plaisir de constater un vif intérêt de la part de plusieurs de ces centres pour répliquer notre modèle pour leurs propres patients. C'est une perspective merveilleuse de pouvoir étendre cet impact positif à tout le pays.

Nous souhaitons également inviter d'autres centres de loisirs et d'autres villes, afin de toucher un nombre croissant d'enfants et de multiplier les opportunités de rencontres et de partage.

Parallèlement, nous explorons activement des collaborations avec des entreprises et des fondations qui partagent notre vision de l'inclusion. Leur soutien financier et logistique serait un levier essentiel pour organiser des événements de plus grande envergure, acquérir du matériel adapté de pointe et offrir un encadrement encore plus personnalisé et sécurisé.

Notre objectif ultime est de faire de l'inclusion par le sport une réalité durable et accessible à tous les enfants, et cela nécessite une approche innovante, une ouverture à de nouveaux partenariats et la volonté de partager notre expérience au-delà de nos murs, au sein de notre filière et au-delà.

Pensez-vous que la forte audience télévisée et la vente massive de billets pour les Jeux de Paris 2024 peuvent influencer les politiques publiques en faveur du handisport, et comment cela se répercute-t-il sur vos actions ?

Absolument. L'engouement pour Paris 2024 a créé une visibilité sans précédent pour le handisport. Nous espérons que cela se traduira par des politiques publiques plus ambitieuses en termes d'accessibilité, de financement et de soutien aux athlètes et aux initiatives comme la nôtre. Cet élan renforce notre détermination à multiplier nos actions et à montrer concrètement l'impact positif de l'inclusion par le sport, en espérant inspirer des changements durables.

Quel message souhaitez-vous transmettre au grand public et aux décideurs politiques concernant l'importance de l'inclusion et du partage dans le sport, notamment à travers des initiatives comme la Journée Multisports ?

Au grand public, nous portons un message fondamental, ancré dans notre philosophie au CEREFAM : "nous sommes complets comme nous sommes". Chaque enfant, avec ses spécificités, trouvera son propre chemin corporel pour s'épanouir. Notre équipe est là pour l'accompagner dans cette voie, avec une approche globale et bienveillante. Mais la société a aussi un rôle crucial à jouer, tout comme les parents, en formant des citoyens dans le respect de l'autre. C'est une responsabilité collective.

Aux décideurs politiques : investissez dans l'inclusion par le sport ! Soutenez les initiatives comme notre Journée Multisports qui prouvent concrètement qu'un environnement inclusif est non seulement possible, mais enrichissant pour tous. C'est un investissement dans le bien-être, la cohésion sociale et un changement de regard durable sur le handicap. Le sport a le pouvoir de briser les barrières, donnons-lui les moyens de le faire à grande échelle.

Pour plus d'informations : http://www.cerefam.fr/

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